Thème
Mouvement - comme savoirs, pratiques et problématisations diverses - émerge à nouveau au coeur de discussions publiques et d'interventions savantes. En cela, d'«anciennes» ontologies ayant privilégié le mouvement par rapport à la stase, et que l'on a perdu de vue à travers la rencontre coloniale, réapparaissent aujourd'hui comme étant particulièrement signifiantes et transformatrices de la discipline. Une préoccupation de longue date de l'anthropologue, le mouvement a principalement été discuté sous la rubrique de la mobilité et de ses terminologies affiliées de flots/flux et de paysages, de flexibilités et de fermetures, de disjonctions et de «frictions». La notion de mouvement trouve par ailleurs une place tout aussi productive dans l'étude de la vie politique, écologique, religieuse et économique, ainsi que dans l'étude de la parenté, du genre et du corps (embodiment). En particulier, cela signale la promiscuité de l'espace analytique ouvert par les processus de formes de vie, de choses et d'idées s'entrelaçant à travers des relations dans le temps et l'espace.
Mouvement comme renouveau, croissance et chemins au long desquels la vie peux se poursuivre implique la potentialité de tomber, détruire et mourir, qui sont aussi des chemins de devenir, parfois autrement. Les associations naturalisées du mouvement avec les possibilités de configurations d'agentivités et de libertés amènent simultanément à se demander comment la mobilité, comme technique et discours de savoir, peut déranger, déraciner ou déplacer. À l'ère de mouvements massifs de populations causés par la guerre, les changements climatiques, le traffic et le désespoir économique, nous sommes amenés à faire sens du mouvement à travers ses interstices, ses barrages, ses frontières et ses camps. Un tel sens de rupture ne caractérise pas simplement l'espace - il affecte aussi les perceptions du temps. Parmi les incertitudes croissantes et disparitions d'expériences de possibilités de vivre, nous devons donc d'un côté tenter de comprendre ces contextes marqués par un sens de blocage et d'impasse. D'un autre côté, l'emphase sur le mouvement porte aussi sur les manières à travers lesquels mondes et écologies affectives, ainsi que leurs passés et futurs, sont continuellement imaginés et refaits en relations labiles avec un sens toujours mouvant, parfois incohérent, du présent. De cette manière, notre thème de Conférence/Inter-congrès souligne le processus du devenir, nous amenant à porter attention à l'historicité des pratiques, en demeurant ouvert aux «anciennes» ainsi qu'aux nouvelles ontologies. Une attention au mouvement ouvre l'anthropologie vers des déploiements de formes de vies nouvelles et alternatives, incluant des choses tels que les rivières, les électricités, et les déchets chimiques. Cela nous permet aussi de traiter les impératifs pour décoloniser notre discipline; ainsi que nous amène à explorer les processus émergents de fabrication de la vie en vue d'une improvisation et composition commune de futurs potentiels.
Des communications portant sur tous les thèmes sont les bienvenues, mais plus particulièrement celles touchant les lignes suivantes;
- Mondes en mouvement; De qu'elles manières les mondes sont-ils faits et défaits par le mouvement? Alternativement, comment des mondes nouveaux ou remédiés peuvent-ils émerger à partir d'obstructions et d'interstices? Qu'arrive-t-il au sein de cohabitations vivantes d'organismes et de choses en continuelles transformations? Comment les formes de savoirs existants et émergents appuient-ils ces projets de fabrications de mondes, leurs imaginaires et infrastructures? Comment pouvons-nous penser de nouveaux espaces pluriels pour le dialogue et l'échange entre des traditions historiquement constituées et des communautés de différence?
- Paysages vivants; Quelles possibilités analytiques deviennent accessibles lorsque nous commençons à voir les paysages non pas comme statiques mais comme assemblages mouvants? Comment sommes-nous imprégnés de diverses formes de vie, qu'il s'agisse de penser avec l'eau ou de se transformer avec le végétal, l'animal ou le moléculaire, et comment traversons-nous ces naturescultures poétiquement? En d'autres mots, comment ces milieux vivants font-ils partie de nous, tout comme nous en faisons partie? Comment cela a-t-il échappé à la science et comment cela est-il timidement en train de s'y retisser?
- Corps mouvants; Comment les formes de vie corporelles peuvent-elles être comprises comme étant perméables plutôt que fermées sur elles-mêmes comme objets ou espèces à connaitre, protéger ou défendre, et comment ont-elles été comprises dans des perspectives autres que celles des Lumières? Se déplaçant par-delà une notion du corps physique en tant que tel, comment pouvons-nous conceptualiser sa localisation sous forme de lignes mobiles de pratique, d'expérience, d'expérimentation, de technologie et de vies de tous les jours? Au sein de tels enlacements de corporalités vivantes impliquant des matérialités de toutes sortes, comment certains mouvements promettent-ils des vitalités et améliorations accrues alors que d'autres mouvements promettent l'élimination ou le ralentissement?
- Mouvements relationnels; Comment les relations mouvantes et mouvementées peuvent-elles être amenées au centre des préoccupations et analyses anthropologiques? Quelles choses, valeurs et significations doivent se déplacer ensembles entre ces relations, à la fois pour soutenir et modifier les formes par lesquelles ces emmaillements et étiquettes sont décrites? Comment ces relations dynamisent-elles à leurs tour affects, valeurs et choses? De quelles manières la mobilité en tant que telle devient-elle un problème politico-économique et un site d'intervention? Qui peux se déplacer et comment? De quelles manières les exigences du présent demandent-elles aussi un changement dans nos propres langages conceptuels? Les mouvements politiques, économiques, religieux, écologiques, autochtones peuvent-ils être compris comme étant directifs mais imprévisibles, sous-terrain et du même coup public, à la fois libérateurs et dangereux, réels et virtuels?
Toutes les propositions en anthropologie sont les bienvenues, même celles qui ne sont pas directement reliées aux sous-thèmes de la Conférence/Inter-congrès énoncés ci-haut.