Conférenciers principaux
Mardi 2 mai
16:45-17:45 Conférence principale I, MRN Aud
Marc Abélès, École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris)
Pour une anthropologie héraclitéenne
Comment penser les sociétés et le monde en mouvement? C’est sans doute l’un des défis essentiels auxquels est confrontée l’anthropologie dans un univers profondément transformé par l’intensification des flux. Depuis un quart de siècle, on a multiplié les descriptions et les analyses de ces mutations. On ne peut cependant s’en tenir à un empirisme prudent et routinier. Cela reviendrait à considérer que la position de l’observateur n’a pas changé depuis l’époque héroïque des pères fondateurs de l’anthropologie. Le simple fait de penser le contemporain en termes de circulation, de frictions et de tensions sur la planète amène à repenser nos fondements épistémologiques. Dans cette orientation qui se situe au croisement de l’anthropologie et de la philosophie, nous devons adopter un point de vue héraclitéen pour interroger les enjeux du temps présent.
La biographie : Connu pour sa théorie sur l’anthropologie de l’État et l’étude de la globalisation, Marc Abélès est aujourd’hui l’un des chefs de file en anthropologie politique. Il est directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris. Auteur de dix-huit ouvrages et de nombreux articles scientifiques, il a occupé plusieurs postes de professeur invité dans plusieurs universités prestigieuses comme l’université Brown, l’université Stanford et l’université de New York. La vaste expérience d’Abeles apportera un précieux éclairage lors de cette plénière sur les avenues de l’anthropologie politique contemporaine dans un contexte de changements radicaux affectant l’environnement, l’économie et la gouvernance mondiale. Les questions abordées récemment dans Politique de la survie (2006, qui propose entre autres de nouvelles orientations mondiales face à la précarité, alimenteront l’exploration en plénière de la façon dont des conditions d’incertitude peuvent engendrer de nouvelles temporalités et d’autres types d’actions politiques
Mercredi 3 mai
10:30-12:30 Cérémonie d’ouverture et Conférence principale II, MRN Aud & retransmises par vidéo au FSS 2005
Lesley Green (Université de Cape Town)
Savoir mouvant
La lutte pour travailler avec le mouvement dans le savoir est aussi ancienne que l’idée du savoir lui-même : les penseurs de la Grèce antique ont posé le savoir de formes géométriques – la sphère, le cube, la pyramide – comme étant le chemin permettant de saisir l’essence du monde. De l’autre côté de la planète, les anciens penseurs Chinois travaillaient avec le savoir de la propension du mouvement dans une substance – la notion de li – comme base du savoir. Que serait devenu le savoir moderne si le mouvement eut été central dans les débats de la Méditerranée antique? La question revient en évidence dans l’Anthropocène, un temps au sein duquel nous commençons à reconnaître que les changements en flots moléculaires – de carbones, de nitrogènes – altèrent la planète, mais nos systèmes légaux sont mal équipés pour se préoccuper d’un commun global qui ne coopère pas avec les frontières territoriales ou avec la loi territoriale, ou avec les rythmes temporels de cycles électoraux. Les sciences sociales contemporaines, je suggère, nous demandent une mobilité intellectuelle à travers les différentes autorisations de raison qui nous persuaderaient qu’elles sont les seules manières de savoir. En abordant des notions comme la fluidité et la sédimentation, le territoire et le flot, le temps de vie et le temps géologique, cette communication explore une science sociale de mouvement qui est elle-même mobile à travers les disciplines, et à travers les histoires intellectuelles.
La biographie: Lesley Green est directrice de la Environmental Humanities Initiative et fait partie du projet transdisciplinaire Berg River de la African Climate and Development Initiative à l’université de Cape Town. Elle a codirigé le projet Fisher’s Knowledge et a été l’investigatrice principale du projet Contested Ecologies et du projet Palikur Historical and Astronomical Knowledge lié aux travaux archéologiques menés à Amapa, au Brésil. Elle compte à son actif de nombreux livres et articles évalués par les pairs sur ces thématiques. Ses écrits abordent entre autres les questions suivantes : savoirs, énergies, eau, espace, cieux, animaux, temps, traces, fracturation hydraulique, oikos et « omiques », à la fois en contextes indigène et scientifique et d’un point de vue épistémologique en Afrique subsaharienne et dans l’Amazonie brésilienne. Soit un bagage théorique considérable et bien ancré pour alimenter la réflexion sur le Mo(U)vement à partir de nos quatre thématiques. Ce discours thème nous invitera à réfléchir aux types de sciences qui pourraient aider le décolonialisme à aller de l’avant.
Séances en cercle
Les séances en cercle, inspirées de la tradition des cercles de discussion des Premières Nations d’Amérique du Nord, sont des endroits et des moments consacrés à la création commune de nouveaux savoirs, au dialogue et au respect mutuel. Lors de chacune de ces séances en cercle, assis aux quatre coins cardinaux, quatre sommités de domaines différents présenteront leurs perspectives et points de vue sur les enjeux discutés lors de la séance. À tour de rôle, chaque sommité s’exprimera dans une ambiance d’écoute attentive et respectueuse. À la fin des séances, les membres de l’audience pourront poser des questions et ajouter leur voix à la discussion.
Jeudi 4 mai
10:30-12:30 Séance plénière I, MRN Aud & retransmises par vidéo au FSS 2005
Écologies mouvantes
Organisateur : David Jaclin (Université d’Ottawa)
Quelles capacités (entendues au sens large de pouvoir faire) deviennent possibles lorsque nous concevons les réalités écologiques contemporaines non telles des entités statiques ou préconçues, mais plutôt telles des reconfigurations différentielles et constantes du vivant? Comment, dès lors, vies en formes et formes de vie s’avèrent-elles ainsi intrinsèquement indémaillables? Qu'il s’agisse donc de penser avec l’eau ou de se transformer au contact du végétal, de l’animal ou du moléculaire, comment traversons-nous (et, ultimement, comment pouvons-nous nous réengager aux côtés de) ces mouvantes compositions à la fois organiques et sémantiques?
Participants : Perig Pitrou (CNRS/LAS), Genese Sodikoff (Rutgers University), Nastassja Martin (University of Aberdeen), Fabien Clouette (Université Paris 8)
Vendredi 5 mai
10:30-12:30 Séance plénière II, MRN Aud & retransmises par vidéo au FSS 2005
Situer le politique
Organisateurs : Thushara Hewage (Université d’Ottawa) et Larisa Kurtovic (Université d’Ottawa)
Ces dernières années, des anthropologues œuvrant dans un vaste éventail de domaines et de lieux dans le monde ont remis en question et complexifié les compréhensions conventionnelles et attentes du politique. De nouvelles ethnographies innovatrices du point de vue disciplinaire sont venues élargir notre conception de la vie et de l’action politiques, en dévoilant la présence du politique dans des registres et des lieux novateurs. Les travaux sur l’anthropologie de l’éthique ont notamment révélé que la subjectivité, l’affect et les traditions réunissant pratique et différences constituées historiquement sont le berceau d’où émergent les répertoires politiques. Les recherches sur la postcolonie contemporaine ont relativisé et revu les concepts canoniques de la théorie politique occidentale, conceptualisant les mouvements démocratiques actuels en tant que trajectoires historiques et modernités postcoloniales distinctes. Plus récemment, l’utilisation de technologies et d’infrastructures a mis en lumière le rôle formateur de pouvoirs matériels et non humains dans la contestation et l’expression politiques. Dans un sens large, cette plénière s’interroge sur ce que représente la promesse contemporaine d’une approche anthropologique du politique. Comment le repositionnement du politique par l’anthropologie transforme-t-il notre compréhension des anciens langages et imaginaires politiques? Quelle prise cela nous donne-t-il sur les mouvements émergents? Dans un contexte où s’effrite la confiance en la capacité de la sphère politique formelle à fournir un riche espace d’articulation politique, quelles nouvelles avenues et possibilités peut apporter l’anthropologie politique?
Participants : Kregg Hetherington (Université Concordia), Andrea Muehlebach (Université de Toronto), Nandini Sundar, (université de Delhi)
Samedi 6 mai
10:30-12:30 Séance plénière III, MRN Aud
Mouvements autochtones
Organisateur : Scott Simon (Université d’Ottawa)
Modérateur : Rodney Nelson (Université Carleton)
L’an 2017 marque le 10e anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le 50e anniversaire du Cercle de toutes les nations en terre algonquine et le 150e anniversaire de la Confédération canadienne. Le rapport de la Commission de vérité et de réconciliation non seulement nous encourage à affronter notre passé, mais nous inspire à rebâtir de nouveaux ponts entre les peuples autochtones et l’État, entre les peuples autochtones et ceux que plusieurs appellent « colonisateurs », et, par leurs organisations, entre les peuples autochtones du monde. Mouvementée depuis ses débuts, l’histoire qui nous unit a récemment vu naître de nouveaux mouvements sociaux, comme Idle No More, qui proposent de renouveler les liens entre les peuples autochtones et les alliés colonisateurs. À nous, anthropologues, de saisir cette conjoncture pour se pencher sur les pratiques passées et réfléchir aux liens qu’il reste à tisser avec les peuples autochtones, au Canada et ailleurs. Comment récupérer le patrimoine perdu et corriger la représentation biaisée des peuples autochtones? Comment rebâtir les liens entre les peuples autochtones et les anthropologues dans un esprit de respect mutuel et d’engagement réciproque? Quelle influence peuvent avoir les anthropologues dans la création d’une nouvelle approche de collaboration entre les peuples autochtones et la vaste communauté scientifique? Quels sont les enjeux à prioriser dans la marche vers cet avenir commun?
Participants : Michael Asch (Université Victoria), Irène Bellier (CNRS-EHESS), Carole Lévesque (INRS), Margaret Bruchac (université de Pennsylvanie)